Le vélib ne marche même pas en Chine

Steve Jobs aimait comparer les ordinateurs à des “vélos de l’esprit” : des outils permettant aux humains de réaliser des tâches plus vite et plus efficacement que leur corps ne le leur permet. Les vélos connectés qui envahissent les rues des villes chinoises pourraient être considérés comme des “ordinateurs de la route”. Organisés en réseau, traçables et générateurs de données, ce sont de véritables suites de 1 et de 0 en aluminium. Ces bicyclettes appartiennent à Ofo et Mobike, des start-up valorisées à plus de 4 milliards de dollars à elles deux. Elles ont levé 2,2 milliards de dollars de fonds cumulés. Chacune exploite en Chine entre 7 et 10 millions de vélos qui effectuent en moyenne 30 à 35 millions de trajets par jour. Après avoir conquis plus de 100 villes chinoises, elles sont en expansion à l’international. Début 2016, aucun de leurs vélos n’était encore en circulation dans les rues. Mais les vélos jaune canari d’Ofo et les vélos orange et argenté de Mobike se trouvent maintenant un peu partout, de Londres à Adélaïde et de Singapour à Seattle. À l’instar des Vélib à Paris, la plupart des systèmes de vélos en libre-service reposent sur des stations de dépôt dans lesquelles ils doivent être garés. À l’inverse, Ofo et Mobike ont inventé un système de vélos sans stations, sécurisé par un cadenas intelligent qui se déverrouille grâce à une application. Ils sont bien moins coûteux que les systèmes publics. À Londres, il vous faudra débourser 2 £(2,66 $) et tapoter longuement sur les écrans peu réactifs des stations de dépôt rien que pour réussir à déverrouiller une bicyclette mise en service par la ville. Un vélo Ofo, en revanche, ne vous demandera que 0,50 £ toutes les demi-heures, après un dépôt de garantie initial, et quelques secondes pour vous mettre en selle. En Chine, les trajets coûtent entre 0,50 et 1 yuan (0,08 à 0,15 dollar) pour 30 minutes. “À l’inverse, Ofo et Mobike ont inventé un système de vélos sans stations, sécurisé par un cadenas intelligent qui se déverrouille grâce à une application. Ils sont bien moins coûteux que les systèmes publics” Les économies d’infrastructure physique, dues entre autres à l’absence de stations de dépôt, n’y sont pas pour rien. Mais la raison principale derrière ces tarifs si bon marché se trouve dans les sources de financements pléthoriques dont disposent ces entreprises : en juin, Mobike a levé 600 millions de dollars, provenant pour l’essentiel de Tencent, le géant chinois de la messagerie, du jeu et du paiement en ligne. En juillet, Ofo a levé 700 millions de dollars à l’issue d’un tour de table mené par la société d’e-commerce et de paiement en ligne Alibaba. Nombre de petites start-up concurrentes ont cherché à les imiter. Mais elles ne font pas long feu. La semaine dernière, on apprenait la faillite de Bluegogo, troisième entreprise chinoise dans la guerre des vélos partagés, loin derrière Ofo et Mobike. Son maigre budget de 90 millions de dollars et ses 700 000 vélos ne pouvaient rivaliser avec les leaders du marché. Un autre opérateur a mis la clé sous la porte après le vol de 90 % de sa flotte de 1 200 bicyclettes, six mois après leur lancement. De nombreux projets ont été financés sans analyses suffisantes de la part des investisseurs. Ofo et Mobike non plus ne sont pas rentables, mais ce n’est pas faute de croissance. Selon le cabinet d’études de marché iResearch, le marché chinois du vélo partagé est en croissance exponentielle : il représentait 3,9 milliards de yuans (500 millions d’euros) au deuxième trimestre 2017, contre 33 millions de yuans (4 millions d’euros) au troisième trimestre 2016. Zhang Yanqi, l’un des co-fondateurs d’Ofo, estime que la Chine pourrait représenter 300 millions de trajets par jour, contre seulement 50 à 60 millions aujourd’hui. Les deux sociétés considèrent que les frais de locations à eux seuls pourraient assurer leur rentabilité, si elles mettaient fin aux dépenses engagées dans leur expansion au niveau national et international.

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